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Face aux interrogations de très nombreuses personnes intriguées de voir depuis presque 10 ans apparaître systématiquement l’égérie de Belles Images, Nancy Sinatra, en page 2 de notre fanzine photo, je me devais de répondre à leurs questionnements !!
Cette persistance et cette fidélité pour une chanteuse qui redevient tendance après avoir sombré dans l’oubli – tout du moins en France – pendant plus de trente ans ne relève plus du message subliminal, mais de la névrose obsessionnelle !
Annoncé dans Photo Nouvelles en 1998 par Claude Nori lorsqu’il consacra un article à notre journal : « Dirigé par Martial Beauville, amateur de Nancy Sinatra, Belles Images est un fanzine de photo. etc. ». Signalé récemment encore par Jacques Olivier Benesse dans la Gazette du Val d’ Oise dans un article consacré aux Belles Images, celui-ci en parlant de notre journal « sans oublier la chronique Nancy Sinatra – les amateurs comprendront -, la chanteuse américaine est devenue le label du fanzine photo.
Dans les années 60 ma Maman, après des années pas toujours roses dues au décès brutal de notre Papa, décida de nous acheter une télévision en noir et blanc
Je naviguais entre enfance et adolescence. Un soir de 1966, je vis apparaître dans une émission de Jean-Christophe Averty, je crois, une blonde chanteuse qui me fit l’effet d’une bombe.
C’était bien sûr Nancy qui éveilla mes sens à l’amour des femmes et par enchaînement à vouloir photographier ces femmes !
Au lendemain de son passage au printemps de Bourges, en avril dernier, le Monde écrivait que Nancy Sinatra était une jeune femme suffisamment affranchie de son encombrant père pour troubler les libidos dans les années 1960.
C’est dire que je ne fus pas le seul gamin à avoir eu mes premiers émois adolescents à cause de Nancy !
En 1967, son tube Jackson en duo avec Lee Hazelwood me fit frémir de plaisir !
En mai 1968, la France vivait des heures gaies et inventives, la télé gaulliste ne diffusait plus la « voix de son maître » et on nous proposa par deux fois un show de NBC « Moving with Nancy ».
Nancy personnifiait pour moi la beauté et la liberté qu’incarnait, à mes yeux d’adolescent,
l’ Amérique.
A l’époque, je réalisais déjà des petites bandes dessinées que je faisais circuler dans les cours de récréation et mes héroïnes ressemblaient comme deux gouttes d’eau à Nancy !
Les personnages de mes comics ne juraient que par elle et j’étais loin d’être le seul atteint de cette douce maladie, puisque ses posters tapissaient bon nombre de chambres d’étudiants ou de celles de GI ‘s au Vietnam où elle vint chanter ses fameuses boots for walking.
Entré dans la vraie vie, je connus de vraies filles et Nancy était sortie de mon esprit.
Lors de mes fréquents voyages Outre Atlantique, je cherchais néanmoins ses disques dans les bacs. Plus rien, remisés au rayon des souvenirs.
Et c’est un jour de 1995, lorsque j’appris qu’elle avait posé dans Playboy alors qu’elle avait déjà la cinquantaine, que mon regain pour elle devint croissant.
Comme elle figurait dans les BD que je réalisais enfant, lorsque je créais Belles Images la même année, je voulais bien sûr que cette revue traite sérieusement de photographie, mais qu’elle garde aussi un côté ludique et primesautier et c’est ainsi que Nancy y trouva tout naturellement sa place.
La renaissance de Nancy date en fait de l’année 2003 lorsque Quentin Tarantino ouvrit son opus de « Kill Bill 1 « avec Bang bang » , une chanson de Nancy.
De nombrex artistes et non des moindres comme Madonna révélèrent l’influence de Nancy dans leur carrière. Des compositeurs comme Bono de U2 ou Morrissey des Smiths se mirent à écrire pour elle.
Elle redevint très tendance puisque de très nombreux articles lui furent consacrés dans le Monde, Libération, Sunday Times, Nouvel Observateur, le Point, Inrockuptibles etc.
Belles Images avait su précéder la mode !
Lorsque je lus de surcroît dans ses nombreuses interviews, qu’en tant qu’Américaine, elle s’opposait à la guerre en Irak et à la politique de Bush, elle ne fit que confirmer mon estime pour elle !
Nancy à un âge canonique – 64 ans - entame ce printemps une tournée européenne.
Mais pourquoi pas ?
Reprocherait-on à un homme – Johnny, Salvador, Aznavour, Sardou, etc.. – de continuer à chanter à cause de leur âge ?
Ce ne serait rien d’autre que de la misogynie et de la gérontophobie avérées que de reprocher à une femme d’un âge certain de continuer à faire son métier et de donner des rêves !
En janvier 2005, Kristian Grimeland le coordinateur pour l’Europe de son fan club m’apprit qu’elle venait en France le 17 avril.
Je lui expliquais que j’étais photographe et que j’avais besoin pour cela d’être accrédité pour photographier Nancy.. Après de longues démarches de plus de deux mois aux USA, que Kristian entama pour moi, j’acquis mon sésame.
Cependant, cela coinçait ici du côté français avec la maison de disques. Durant une semaine, je passais mon temps entre pourparlers, coups de téléphone, entre Paris Londres, « e-mails » en Norvège – Kristian est norvégien – et j’obtins enfin confirmation.
Le parcours du photographe est un parcours du combattant et le soir du concert, nous n’eûmes droit, comme il est de règle dans tous les spectacles, qu’à photographier uniquement les trois premières chansons, sans flash et à 15 000 km de la scène !
Comme je fus invité par la production, mes photos faites, je m’affalais dans un fauteuil à écouter Nancy.
En revanche, Nancy sur scène s’amusait entre deux chansons à photographier avec plaisir son public. Public qui était loin d’être composé de quadras ou de quinquas nostalgiques !
Pour une « vieille »chanteuse , je fus étonné de la présence de très nombreux jeunes dans la salle. Pas moins de 4.000 personnes ce soir-là à Paris dont Etienne Daho et Alain Bashung entre autres.
Vers la fin du concert, Nancy quitta la scène et réapparut par une porte pour aller à la rencontre de son public. Je fus la première personne qu’elle salua. Signe de la providence.
Je lui déclamais que j’étais « her greatest fan » et je m’en arrêtais là.
Pudique, je ne suis pas du genre « groupie » à courir après quelqu’un pour lui demander un autographe ou l’embrasser.
Nancy, très cool, invita le public à se Tous les jeunes sagement assis ne se firent pas prier et, profitant de ces moments rares où la sécurité devenait bon enfant, je me mis à la photographier sans retenue avec mes trois boîtiers.
Sacrée soirée s’il en est et, deux jours plus tard, elle alla recueillir un succès tout autant mérité au Printemps de Bourges avant de poursuivre sa tournée européenne en Allemagne, Espagne, Italie, Portugal, etc..
Le mystère de la présence de Nancy dans Belles Images est ainsi élucidé et nul besoin d’un Rouletabille, d’un Dan Brown, d’un Sigmund Freud ou d’une Mélanie Klein pour enquêter sur les fantasmes de son rédacteur.
Ce n’est rien moins qu’un hédonisme ludique, Belles Images n’étant que la continuité des bandes dessinées que je réalisais enfant.
L’héroïne principale est toujours restée la même. Fidélité de 40 ans, s’il en est !
Martial Beauville.
* La princesse Nancy règne toujours…
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