La photographie humaniste est de retour. En fait, a –t-elle vraiment quitté la scène artistique française si l’on observe que près de quatorze ans après sa mort, les photographies de Robert Doisneau sont toujours aussi populaires et que certains dans les jeunes générations – voire les adultes ? - pensent qu’il est l’inventeur de la photographie et reste le seul photographe dont le nom vient à l’esprit pour beaucoup de gens.

Il est un autre photographe méconnu du grand public mais dont le le talent est aussi égal.
C’est Izis.
Son image la plus célèbre est celle de ces chevaux de bois prise en hiver sous la neige au jardin des Tuileries en 1949.
Une image d’une grande poésie. Izis a toujours été amoureux de Paris et au début de sa carrière il avait essayé de publier sans succès un livre Paris des rêves.
Livre qu’il publiera en 1950.
A l’époque de l’image des chevaux de bois, Izis entre au staff de Paris Match relancé par Jean Prouvost.
Ce sont ces images qu’a exhumé la Maison ROBERT DOISNEAU à Gentilly à l’occasion de son dixième anniversaire.
Ce n’est que justice pour cet homme discret dont un très beau texte d ‘Anne Laure Wanaverbecq, commissaire de l’exposition, révèle un homme d’une grande qualité humaine
dont la vie fut jalonnée par des drames – toute sa famille fut abattue par les nazis en Lituanie et qui par la suite entra dans la Résistance dans le Limousin pour combattre ces mêmes nazis.
Une vie intense racontée par son fils Manuel lors de la conférence de presse en mai dernier.

D’origine lituanienne comme Willy Ronis, tous deux n’avaient pas pour passion première la photographie.
On sait la place que la musique a dans la vie de Willy Ronis. La peinture fut pour Izis la révélation à l’image. D’ailleurs il fut le seul photographe a être admis par Chagall lorsque ce dernier peint le plafond de l’Opéra de Paris.

L’exposition visible à la Maison Robert Doisneau nous permet de voir une centaine de photographies sur de nombreux thèmes attestant du talent de reporter atypique de ce dernier qui excelle aussi bien sur des sujets comme la Casbah d’Alger, les pélerinages de Lourdes ou de Fatima, les catastrophes minières de Montceau les Mines et de l’Etançon, des fêtes populaires ou ces méconnus réfugiés banatais dans la France des années 1950.

D’origine française puisque lorrains et alsaciens, ils formèrent les colonies du Banat sous l’impulsion des Habsbourg au XVII siècle dans une région, le Banat partagé entre la Yougoslavie, la Roumanie et la Hongrie.
L’histoire de ces Banatais fut faite de longues périgrinations puisque au lendemain de la seconde guerre mondiale, ces réfugiés dont les ancêtres avaient quitté la France trois siècles auparavant étaient revenus dans le Midi pour faire revivre des villages en ruines et abandonnées.
C’est par ailleurs une image forte de ces femmes, hommes et enfants entassés dans un train en route pour leur nouvelle destinée qui fait la couverture du catalogue qui accompagne cette exposition.

D’autres images d’une aussi forte intensité dramatique affirment le talent de reporter d’Izis.Ce sont les photographies des catastrophes minières. Larmes et deuil sont le lot de ces tragédies humaines mais dans aucune image faite par Izis ne transpire le voyeurisme.
Le cliché de ce jeune mineur d’à peine seize ans apprenant la mort de quatre de ses collègues noyés à Ronchamp – Haute Saône – est révélatrice de la détresse de ces hommes sacrifiés sur l’autel du profit et de la reconstruction de la France d’après guerre.

Des images plus légères comme ces instantanés de Saint Germain des Près ou des ces belles jeunes filles – dont on tomberait volontiers amoureux ! – dans les bals du 14 juillet !
Il y a aussi cette foule d’admirateurs qui entoure Edith Piaf.

En revanche, quelques portraits d’amis artistes dénotent malheureusement une petite faiblesse dans le cadrage attestant qu’Izis est avant tout un reporter plutôt qu’un photographe de studio même s’il a commencé son métier par cette spécialité de la photographie.

Beaucoup d’images excellentes dans cette rétrospective mais deux photographies ont attiré notre attention par leur luminosité et leur intensité.
Ce sont celles de ces deux peintres à Montmartre et cette cérémonie de la légion étrangère en plein désert du Sahara toutes deux prises en 1953.
La force d’une image en noir et blanc que n’arriveront jamais à traduire toutes les technologies modernes !!!!

Cette exposition est visible jusqu’au 5 aôut 2007 et espérons que les Parisiens oseront tenter l’aventure au-delà du périphérique pour aller à la rencontre d’un photographe méconnu du grand public mais qui ne le restera plus longtemps !

Martial BEAUVILLE.

Exposition présentée jusqu’au 5 août 2007.
Maison Robert Doisneau
1 rue de la division du général Leclerc.
94250 Gentilly
Tel : 01 47 40 88 33.