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Avec le retour des beaux jours fleurissent les cartons d’invitation pour les cérémonies de mariage accompagnées de la musique sonore des klaxons des cortèges de la noce.
Notre fibre de photographe se met alors à vibrer et l’envie de réaliser photos ou reportage de mariage se manifeste.
J’ai ainsi été « victime » de cette fièvre, à l’occasion du mariage cet été de deux amis d’enfance de mon fils, avec la particularité que ce fut une première pour moi. Je vais donc tenter de partager avec vous cette première expérience, qui je pense ne sera pas la dernière, en abordant le contexte, ma préparation technique, les difficultés rencontrées, et mes conclusions.
Avoir la responsabilité de couvrir la totalité d’une noce, tant au niveau du reportage que des photos du couple des mariés, ne se prend pas à la légère. Donc pour ma première expérience, je me suis volontairement positionné en tant que photographe adjoint au photographe officiel, avec bien entendu son aval et celui des mariés.
Cela présente l’avantage de ne pas avoir la responsabilité de la réussite de toutes les photos dont les plus attendues (l’échange des alliances, le baiser des mariés, …), laisse la possibilité de prendre le temps d’apprendre, voire de ‘zapper’ certaines situations qu’on ne sent pas, et surtout réduit le stress ; mais cela impose nécessairement une bonne entente avec le photographe officiel pour ne pas le gêner (et se gêner mutuellement) et pour compléter les points de vue photographiques. Déroulons les différentes étapes de cette aventure.
Première étape : rencontre avec le photographe officiel pour étudier comment nous allons travailler ensemble, d’autant que pour ce mariage les cérémonies à la mairie et à l’église n’étaient pas le même jour : le vendredi à la mairie, le dimanche pour la cérémonie religieuse et la soirée festive et les photos du couple des mariés. Nous avons donc décidé de nous répartir certaines tâches : le photographe officiel assurait les photos à la mairie et la préparation du marié, moi-même suivait la préparation de la mariée ; et de réaliser chacun selon sa sensibilité les photos pour tout le reste du mariage, avec bien entendu la priorité au photographe officiel.
En parallèle, il y eu rencontre avec les futurs mariés, pour valider le contenu de la prestation et de la livraison (CD, Album,…), pour expliquer comment les photos allaient être prises, pour choisir le lieux pour les photos du couple des mariés, pour valider le reportage sur la préparation de la mariée et du marié (quand, comment, où), etc, et tout simplement pour apprendre à se connaître et mettre en confiance. Pour notre part, nous connaissions les mariés de très longue date, ce qui nous a facilité la tâche ; mais il arrive parfois que la collaboration avec les mariés n’est pas simple (dixit un autre photographe professionnel rencontré dernièrement).
Deuxième étape : la préparation technique. Je me suis plongé dans quelques ouvrages de référence dont le n° 5 de « Compétences Photo » (Mariage & concert) que je vous conseille car très accessible et pratique (site http://
www.competencemicro.com, rubrique Publications). J’ai aussi passé un peu de temps avec le photographe officiel pour valider certains points de pratique technique. J’ai enfin vérifié que mon matériel était en parfait état de marche, avec un nettoyage du capteur et des optiques. J’ai aussi validé que le paramétrage de l’appareil était adapté aux contraintes du mariage (mode de mise au point, mode de réglage d’exposition, valeur ISO, suppression des corrections d’expositions, prise de vue au format RAW, …) en faisant des essais de prise de vue pour bien me remettre en mémoire l’utilisation de certains réglages un peu pointus. J’ai aussi cassé ma tirelire pour acheter un flash cobra (METZ 48-1 digital) car je n’en possédais pas, et j’ai donc dû passer du temps à l’apprivoiser (paramétrages avec l’appareil, tests de prise de vue, …). Et sans omettre les accessoires : formatage des cartes mémoire, batteries bien rechargées, piles de rechange pour le flash, réflecteurs pour le reportage de la préparation de la mariée, etc.
Tout cela peut paraître complexe et un peu excessif, mais pour une première expérience de mariage je ne souhaitais pas être pris au dépourvu. Malgré tout, cela n’a pas empêché quelques ‘couac’ qui auraient pu être lourds de conséquence : le stress m’a fait oublier au domicile de la mariée ma sacoche avec mes cartes mémoire complémentaires (vin d’honneur raté pour aller les rechercher (40km de route), avec heureusement le photographe officiel qui en faisait le reportage) – la prise en main assez neuve du flash cobra ne m’a pas permis de l’utiliser dans les meilleures conditions et j’ai plusieurs fois « pataugé » avec les réglages vitesse/diaphragme (heureusement que ma main ne tremble pas).
Troisème étape : la préparation « artistique »
Prendre le temps de réfléchir sur le style de photos que l’on va faire. Ceci se fait à partir des attentes des futurs mariés, des lieux, de ses lectures d’ouvrage de référence, mais surtout de sa sensibilité personnelle.
Mon objectif a donc été de réfélchir comment j’allais capter les ambiances plutôt que les évènements sans pour autant négliger ces derniers, comment me mettre à l’affût d’un regard ou d’une émotion.
Pour moi, cela a plus été une sorte de « conditionnement intellectuel » qu’une prise de notes ou réalisation de croquis.
Quatrième étape : le grand jour du mariage
Ce fut un peu un marathon, car j’ai commencé à 8h30 le matin pour suivre la préparation de la mariée et j’ai terminé vers 2h30 le lendemain matin en fin de soirée de noces, avec juste un arrêt entre 11h00 et 12h30 pour manger un morceau .
* Tout d’abord la préparation de la mariée : ce fut un grand moment de complicité, d’intimité, rendu possible par la confiance et la disponibilité que la mariée et son entourage m’ont témoignées ; en effet, on est en permanence présent dans tous les moments « intimes » : coiffure, maquillage, habillage de la mariée (à partir du laçage de la robe, bienséance oblige …), préparations diverses entre la mariée et sa famille, … ; mais aussi au sein du tourbillon des allers et venues et du stress des préparatifs. Plusieurs contraintes très fortes : tenter de ne pas gêner (pas toujours facile) et de ne pas se faire aussi emporter par le stress ambiant, faire oublier l’objectif pour que chaucun reste naturel tout en intervenant chaque fois que nécessaire afin que les photos soient réussies (en demandant à une personne de se déplacer, en parlant de choses et d’autres pour détendre l’atmosphère). Et surtout faire très attention à l’environnement : j’ai dû décrocher un cadre du mur, disposer un cache réflecteur pour éviter un soleil rayonnant dévastateur dans la pièce où tout se passait, mettre en place un flash avec son parapluie.
Et puis, mais cela fait partie de notre ‘job’ de photographe, être toujours en alerte pour surprendre une attitude, un regard, une mimique. Par exemple lorsque la mariée a découvert sa coiffure avec un œil très inquisiteur sous le regard un peu inquiet de la coiffeuse.
Autre moment fort, l’habillage de la mariée dans sa chambre, avec cette complicité nécessaire qui permet à la mariée de supporter une présence étrangère qui enregistre ces moments uniques.
* Ensuite, les photos dans la voiture nuptiale durant le trajet de la maison à l’église : à l’arrière la mariée et sa sœur, à l’avant le chauffeur et moi. Lieu intimiste, avec un regard sur la mariée dans l’émotion de l’événement tant attendu. Il est alors nécessaire de savoir se contortionner pour obtenir le bon cadrage, avoir la main sûre, et diriger la mariée pour prendre les clichés sous le meilleur angle possible. Ne pas hésiter à faire un cradrage serré.
* Et bien entendu le suivi de la cérémonie religieuse à l’église. Plusieurs contraintes : ne jamais oublier qu’on est dans un lieu dans lequel ne se déroule, non pas un spectacle mais une cérémonie à connotation spirituelle appelant à toute la discrétion possible (les familles avaient imposé que seuls les deux photographes officiels et un caméraman interviennent et se déplacent dans l’église), ce qui implique de ne pas se déplacer ou shooter n’importe comment ; ne pas se gêner entre les 3 opérateurs, ce qui nous conduisait à ne jamais nous positionner ensemble au même endroit ; tenir compte de la luminosité assez faible du lieu. Le plus difficile pour moi a été de trouver le meilleur angle de vue pour traduire l’émotion des mariés et des participants tout en respectant les contraintes : ma jeune maîtrise du flash m’a assez perturbé. Ceci ne m’a pas permis de saisir tous les instants souhaités, dont en particulier l’échange des alliances et le baiser (mais je me suis rattrapé à d’autres moments).
* Avec un moment important qui est la sortie de l’église avec le lancé de pétales de roses et le bain de foule : la prise de vue en rafale est une nécessité pour ne pas râter la dispersion des pétales et les mimiques des mariés ; et pour le bain de foule, la prise de vue en aveugle au grand angle l’appareil porté à bout de bras très haut au-dessus des têtes a donné un résultat fort intéressant.
Puis vient le temps des photos du couple de mariés. J’ai laissé le photographe principal piloter ce moment, me limitant aux prises de vue. Ce qui est très intéressant, c’est le point de vue totalement différent de nos photos alors que nous les avons prises quasi simultanément : le coup d’œil, l’objectif recherché (l’évènement ou l’ambiance), le positionnement par rapport au sujet, la gestion de la lumière, font que les résultats sont totalement différents. A noter que nous avons souffert d’une lumière d’été encore très forte (18h en juillet) ce qui nous a contraint de faire les photos à l’ombre, sans pouvoir profiter de tous les atouts du site retenu ni d’exploiter la douceur d’une lumière du matin ou du soir. La plus grande difficulté pour ce type de prise de vues, outre les aspects techniques, c’est la créativité à avoir dans la conduite des mariés tout en recherchant la plus grande spontanéité. Cela demande de la pratique et une sensibilité artistique, mais aussi nécessite toujours cette complicité avec les mariés.
Je passe sous silence les photos des groupes de famille, amis et invités, très conventionnelles ; j’ai eu la surprise de découvrir que tous ne jouent pas toujours le jeu : l’un d’entre eux après la prise de vue m’a rappelé le respect du droit à l’image à son encontre et m’a demandé l’effacement de la photo, ce qui fut fait ! Dommage pour lui.
Juste un mot pour finir sur la soirée dansante qui nous a permis de faire des photos intéressantes des mariés et des invités dansants dans les jeux de lumière, avec des expressions et une gestuelle manifestant la joie de l’instant. Pour cela, je n’ai pas hésité à me mêler à la foule des danseurs en shootant souvant sans viser, l’appareil posé sur la poitrine, sans flash avec une sensibilité assez élevée, ou avec le flash mais en conservant une vitesse de déclenchement assez faible pour conserver l’ambiance tout en ayant les premiers plans bien exposés. En recherchant les situations avec les mariés en premier plan.
Cinquième étape : le développement numérique
Durant cette folle journée, j’ai pris environ 1000 clichés (dont plus de 200 de la soirée), tout en RAW. A l’aide du bridge de Photoshop, j’ai fait un premier tri pour éliminer les mauvais clichés (reste env 600 clichés)
Ensuite, en regroupant selon les ambiances, j’ai procédé à l’aide de CameraRaw aux réglages d’image puis à la conversion en masse en JPEG, ce qui m’a donné le reportage global du mariage.
A partir de cela, j’ai procédé à ma sélection, en étant très exigeant sur les clichés : cadrage, sujet, ambiance, exposition. Je n’en ai retenu que 80, que j’ai retravaillé un à un, en repartant du RAW, en reprenant les réglages d’exposition et en corrigeant certains défauts de prise de vue (ex : lors de la préparation de la mariée, je n’avais pas vu les cintres présents dans une armoire ; Photoshop permet de les supprimer rapidement). Parfois, lorsque le sujet s’y prêtait, j’ai fait un double traitement : N&B et couleur. Puis gravure des CD pour la livraison.
Le tout en une bonne journée de travail.
En conclusion
Journée mémorable pour les mariés, mais aussi pour le photographe qui fait un véritable marathon, surtout s’il couvre l’intégralité des évènements de la journée du matin au matin ; ne négligez donc pas votre condition physique… Je pense que le déroulement et le plaisir que l’on prend à couvrir une telle cérémonie dépend pour beaucoup de la complicité qu’il y a entre les mariés et le photographe ; d’où la nécessité de se rencontrer, de s’écouter. La technique prend aussi une part importante surtout dans la maitrise de son matériel pour ne pas être pris au dépourvu ; mais il me semble que le regard, l’attention portée aux attitudes et émotions, et la sensibilité artistique sont des facteurs qui sont fondamentaux et qui sont le lot du photographe. Enfin, mais c’est particulièrement chronophage, le soin apporté à la post-production permet de faire la différence entre la photo d’amateur et la photo « du photographe ». Et surtout, à mon avis, il faut être exigeant envers soi-même pour pouvoir progresser, faisant et faisant encore et toujours. Alors vous aurez compris que, dès que possible, je vais m’y remettre, sauf pour la cérémonie de juillet prochain, tout simplement parce que je serai le père de la mariée ; alors l’appareil restera pour une fois en repos.
Luc LEMARCHAND
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