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En célébrant cette année son dixième anniversaire, PARIS PHOTO semble avoir atteint sa maturité et son âge de raison.
Finies les provocations des premiers salons où il fallait à tout prix étonner pour faire parler de soi !
En 1997, les images licencieuses étaient de mise et les backrooms n’étaient pas rares pour montrer des photos qui se voulaient choquantes.
La photographie contemporaine était reine à travers les allées du Carrousel du Louvre.
Comme à son habitude, la photographie contemporaine toujours cabotine aimait se parer de ses meilleurs atours sous la forme de très grands tirages mais malgré ces faux-semblants, c’était surtout l’ennui qui transparaissait.
Seules les images de Ellen Koii, Christina Garcia Rodero, Loretta Lux, Katharina Bosse ou Erwin Olaf sauvaient la mise de cette création contemporaine.
Les visiteurs étaient quelque peu hétéroclites.et on se serait cru dans une boite à la mode où il fallait à tout prix se montrer pour être vu.
Aujourd’hui, la photographie contemporaine est en plus petit nombre et semble avoir pris ses quartiers d’automnne à la FIAC.
Pourquoi pas après tout ?
Les salons suivants ont fait place à des visiteurs plus matures qui s’intéressaient vraiment la photographie au point d’avoir envie de la collectionner.
Le marché de la photographie en France est relativement neuf.
Aussi, il faut saluer l’audace d’un Rik Gadella d’avoir osé lancé un salon comme PARIS PHOTO car rien n’était gagné.
Contrairement aux Etats Unis où existe un marché de la photographie, où la photographie est présente dans nombre de musées et d’institutions, la France à l’instar du Vieux Continent nourissait encore une méfiance face à l’achat ou à la vente de ces œuvres issues d’un art mécanique que l’on pouvait reproduire à l’infini.
Ces peurs se sont dissipées et tous les galeristes présents sur la foire attestent depuis plusieurs années de l’intérêt grandissant de jeunes collectionneurs.
Il y a huit ans de cela en 1999, la collection Jammes avait miné le marché de la photographie avec des records jamais atteints –cette vente du siècle opérée par Sotheby’s avait généré plus de 10 millions d’euros.
Un paysage de Gustave Le Gray, la grande vague à Sète avait atteint la modique somme de 718 000 € et avait eu pour effet de briser toute spéculation !!
Depuis des jeunes bobos investissent dans la photographie et s’ils n’achètent pas des œuvres du 19 ° siècle, ils sont néanmoins friands des futurs le Gray qu’ils découvrent au détour d’une galerie dans cette immense foire qu’est Paris Photo.
Paris Photo reste le seul lieu de la planète où on peut découvrir des photographes de toutes tendances et de toutes les époques ou presque.
En effet, où peut on voir sur un même lieu des photos d’Avedon, de Steichen, Brassai et des talents émergents comme Massimo Vitali à la galerie romaine Brancolini Grimaldi, Michael Kenna à la galerie Camera Obscura la jeune et talentueuse Loan Nguyen à la galerie Esther Woerdehoff ou notre coup de cœur Ruud Van Empel et ses personnages mélanodermes énigmatiques et haut en couleurs à la galerie néerlandaise Flatland.
L’édition 2006 a mis à l’honneur les pays nordiques dans le cadre de Statement où on a pu découvrir des talents nouveaux ou inconnus de nous comme les Danois Trins Sondergaard et Nicola Howalt dont le trytique est parti à 20 000 €.
Outre les Danois précités, il y avait aussi la Suédoise Annee Olfosson, la Norvégienne Eline Mugass.
Pourtant les artistes nordiques sont loin d’être inconnus en France.
Lors de la biennale de la photographie qu’est le Mois de la Photo, les centres culturels suédois ou finlandais nous invitent tous les deux ans à la découverte des images de leurs nationaux.
L’école américaine des années 1960 – 1970 a suscité une belle envolée dans l’acquisition de ses clichés et ce n’est que justice pour cette photographie moderne et créative.
On ne retiendra que les noms de Joel Meyerowitz et Williams Eggleston , maitres dans l’art de la couleur et dont les œuvres se sont arrachées entre 4000 et 8000 € pour le premier cite à la galerie Edwynn Hook présente depuis la création de Paris Photo.
Des classiques comme Kertesz sont partis dès le soir du vernissage à la galerie Agathe Gaillard par exemple.
Audacieuse, Agathe Gaillard qui vient de recevoir une légion d’honneur méritée n’exposait pas que des valeurs sûres comme le photographe hongrois ou Cartier Bresson mais aussi des œuvres de jeunes photographes comme Florence Gruere, Thierry Girard ou Jérôme Soret.
D’un cliché de Jérôme Soret représentant un petit jouet, l’élégante galeriste assure qu’une œuvre d’art est née grâce à la photographie.
C’est la magie de cet art qui fait rêver puisque cette dixième édition a attiré pas moins de 40 000 visiteurs en quatre jours dont 40 % d’étrangers venant de près d’une cinquantaine de pays différents.
Paris Photo est sans conteste la référence obligée du marché de la photographie et si on notait la présence de 88 galeries, il nous est bien sûr impossible de toutes les citer.
L’Asie qui était timidement présente dès les premières éditions avec la galerie japonaise Picture photo Space avec les magnifiques images de fleurs de Hiroshi Osaka, commence sa percée dans ce marché encore neuf pour elle qu’est la photographie.
Il y avait les Coréens de la galerie Hyundai mais aussi et surtout la venue d’une galerie chinoise dont le directeur Chen Guang Jun maitrisait sans peine la langue de Molière alors que pour converser avec les nombreuses galeries d’ Outre Atlantique, la langue de Paris Hilton était le viatique obligatoire.
Cette galerie la 798 Photo Gallery est située dans le district de Da Shan Zi, le quartier créatif de Pékin.
On sait que la Chine aspire à être un des leaders dans le domaine économique et si déjà l’ empire du Milieu fourmille d’artistes en tous genres dans l’art contemporain, l’ hôte des prochains Olympiques pourrait truster d’ici peu les médailles d’or dans la création photographique.
La photographie chinoise était déjà présente aux rencontres d’ Arles il y a une quinzaine d’années et depuis peu sur les cimaises du Carrousel du Louvre lors des précédentes éditions notamment avec Sze Tsung Leong représentée par la galerie new yorkaise Yossi Milo Gallery.
Personne n’ignore que la côte Est des Etats Unis est le cœur de la culture américaine, aussi saluons la présence de la galerie M + B de Los Angeles qui exposait notamment Jean Baptiste Mondino et qui a consacré le mois dernier une rétrospective à Hunter S Thompson, un des chantres de la photographie américaine des années 1960.
Comme les Américains font et défont le marché de la photographie et à cause de cela nous ne pouvons qu’être fiers que l’épicentre de la photographie mondiale se trouve à Paris…
Paris Photo, plus précisément.
Martial Beauville.
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