Qui ne connaît pas Edward Steichen ?
Si le nom évoque peu de chose pour le grand public qui ne jure que par Robert Doisneau, nous avons en revanche tous en mémoire ses photographies de Greta Garbo ou de Gloria Swanson qui ornent souvent les couvertures des ouvrages de vulgarisation photographique.

Si bien sûr, on s’intéresse de plus près à la photographie, son cliché le plus connu est celui du Flat Iron, cet immeuble si particulier de New York, image prise en 1906 parfaite illustration du pictorialisme dont il est l’un des maitres.
Une utilisation fine de la lumière où arbres, immeuble et personnages s’entremêlent pour faire de cette image une ode à la poésie.

Pour la première fois en Europe, une grande exposition regroupe à Paris
450 photographies d’époque – vintages – et divers documents.

Cette exposition est organisée par la Foundation for the Exhibition of Photography (Minneapolis) et le Musée de l'Élysée (Lausanne), en collaboration avec le Jeu de Paume.
présentée avec le soutien de Neuflize Vie et de la Manufacture Jaeger-LeCoultre, en partenariat avec Le Figaroscope, Vogue, Arte et FIP.

En effet près de sept ans après le Whitney Museum de New York, plutôt dévolu à l’art contemporain qu’à la photographie, voici enfin une grande rétrospective d’ Edward Steichen sur le vieux continent.

Prolifique et éclectique, Edward Steichen est sans conteste l’un des maitres de la photographie moderne.
Il a fondé la Photo Secession en 1902 avec Alfred Stieglitz puis la galerie 291.

L’exposition du Jeu de Paume pourrait aussi s’intituler de l’ombre à la lumière.
Les premiers clichés sont en effet assez sombres. Proches de la peinture tonaliste qu’il pratiquait parralèlement à la photographie.
Paysages oniriques ou portraits vaporeux réalisés au début du XX ° siècle comme l’écrit Ronald J. Gedrim, on passe vite à la lumière avec ses portraits d’actrices ou d’écrivains, de peintres, sculpteurs ou d’hommes politiques.
Maitre du studio bien avant Karch ou Cecil Beaton, il a un art consommé de la belle composition et nombreux sont celles et ceux qui ont posé devant son objectif.

On citera par exemple les écrivains Colette, Anatole France, les peintres et sculpteurs Rodin, Picasso ou Matisse pour qui il organisa les premières expositions aux Etats Unis.
Il y a aussi les portraits de Jean Jaurès, Theodore Rosevelt ou William Taft.

Il y a bien sûr ces magnifiques photographies de ces belles actrices que furent Greta Garbo, Gloria Swanson, Constance Bennett, Lilian Gish, Anna May Wong sans oublier ce portrait vaporeux de Fay Wray jouant Ophélie en 1930 et belle comme le jour loin du tumulte trois ans plus tard de King Kong où ce gorille énamouré fit trembler New York pour les yeux de la belle Fay Wray !

Chantre de la beauté, Edward Steichen l’est sans conteste puisque son image de la danseuse Thérése Duncan sur l’Acropole a fait école dans les écoles de pub.
Un parfum a même copié cette image pour sa publicité.
Thérèse était l’une des filles adoptives de la grande danseuse Isadora Duncan qui les appelait rien moins que les Isadorables.

Zélateur du beau, il ne pouvait que croiser le chemin de Condé Nast qui publiait les revues de mode haut de gamme que sont Vogue et Vanity Fair.
C’est le début d’une fructueuse collaboration qui commence en 1923 ooù Steichen Edward devient photographe en chef de ces deux revues.
Il fera du mannequin Marion Morehouse son icône et son modèle préféré qu’il a photographié sous toutes les coutures.

Nancy Hall- Duncan n’écrivait elle pas dans son Histoire de la photographie de mode publié en 1979 «  En 1924, la photographie de mode fut transformée par l’œuvre d’un homme Edward Steichen. Les effets du flou du pictorialisme firent place à la géométrie nette du modernisme photographique. C’est Steichen qui débarassa la photographie de mode des effets impressionnistes et la fit évoluer parralèlement aux recherches de la peinture moderne, qu’il suivit de très près « 

Touche à tout, il excellait dans tous les genres de la photographie. Architecture comme le pont de Brooklyn ou l’ Empire State Building à New York.
Amoureux des plantes et des fleurs, il a laissé de belles compositions picturales de delphiniums, d’avocats, de poires ou de tournesols.

Eclectique Edward Steichen l’était assurément puisqu’au cours des deux guerres mondiales, il a aussi été reporter de guerre photographiant ainsi la marine américaine embarquant sur le porte avion USS Lexington mettant en image le quotidien des 3000 hommes de l’ US Navy.

En 1947, il est nommé directeur du département de la photographie au fameux MOMA – Museum of Modern Art de New York – et organisera de nombreuses expostions dont la plus fameuse est Family of Man , une exposition optimiste qui encourage la fraternité entre les peuples.
Comprenant près de 500 photographies de plus de 273 photographes de 68 pays, cette exposition qui a circulé dans 38 pays a attiré pas moins de …9 millions de personnes.
Depuis 1995, cette exposition est installée de manière permanente au Luxembourg, le pays d’origine d’ Edward Steichen.

Dans cette fabuleuse exposition présentée au Jeu de Paume, il a été écrit que Steichen a fait prendre conscience à des millions de personnes du pouvoir et de la beauté de la photographie moderne.

Raison de plus pour aller voir et revoir cette superbe exposition qui se tient à Paris jusqu’à la fin de l’année.

Martial Beauville.

du 09 octobre au 30 décembre 2007
Jeu de Paume. 1 place de la Concorde 75008 Paris.
Tél. : 01 47 03 12 50