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Comme je te disais, pour moi, MAI 68 = service militaire dans une caserne en Allemagne, à Donaueschingen exactement (là où le Danube, ni beau ni bleu prend sa source)
Je coulais des jours assez paisibles, employé de bureau chargé d'établir les titres de permission (ce qui me faisait bien voir de tout le régiment), mais aussi de tenir le cahier des punitions des officiers et sous officiers. Pour les punitions, c'était le lundi qu'il y avait le plus de boulot, car le dimanche, les sous officier buvaient et se battaient entre eux (je n'ai jamais compris pourquoi on les mettait aux arrêts de rigueur, vu que quand on s'engage dans l'armée, c'est précisément pour se battre).
Mai 68, c'est l'oreille collée au transistor que je l'ai vécu. Ce qui était intéressant, c'étaient les commentaires des uns et des autres et surtout ceux des gradés dans le genre "donnez-moi un bataillon de légionnaires et je vous le nettoie, moi, le Boulevard Saint Michel. Ils verront ce qu'ils verront, ces petits cons"
Chez les appelés, les réactions étaient mitigées. Le moral du soldat, c'est le courrier et comme la poste était en grève, il n'y en avait pas et comme peu de particuliers avaient le téléphone à domicile, il était difficile d'avoir des nouvelles de la famille. Les uns (souvent les provinciaux) ne voyaient que les conséquences immédiates : ni courrier ni colis ni perms et ils en voulaient à la terre entière. Pour les Parisiens, c'était différent car c'était nos copains qui lançaient les pavés, on se sentait un peu obligés de les soutenir, cependant, pas ouvertement car on craignait la bêtise de l'adjudant.
Le moment fort, c'est quand un agent de liaison motocycliste est revenu de Baden-Baden en disant qu'il avait vu "le Grand Charles" alors qu'on entendait à la radio qu'il avait disparu. Là, on a commencé à être inquiets, car on a imaginé que s'il venait voir Massu en catimini, c'était pour nous envoyer à Paris.
C'est surtout de cet épisode dont je me souviens, car pour le reste, j'avoue que je m'intéressais davantage aux faits (j'aimais bien le côté combat de rue) qu'aux revendications.
Je me rends compte que 40 ans ont passé, soit la même durée que celui qui me séparait de la guerre 14-18 quand mon grand-père m'en parlait dans les années 50
Les photos, non, je n'en ai pas mais il en existe : comme j'ai passé 2 mois au service photographique, j'avais tiré le portrait d'environ 250 nouvelles recrues pour leur livret militaire. L'appareil était sur pied, la distance réglée une fois pour toutes et le gus à photographier s'asseyait toujours à la même distance. Parfois il fallait remonter ou descendre l'appareil en fonction de la taille du sujet. L'appareil, c'était un Leica, mais le pire c'est qu'à l'époque, je ne savais pas ce que ça représentait et je bavais devant la vitrine d'un photographe où il y avait des Praktika..
C'est à cette époque que j'ai appris les rudiments du labo
Christian ROUSSEAUD
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