|
Mai 68, quarante ans déjà !
Des célébrations à n’en plus finir !
« Célébrations piège à c…. » titrait la semaine passée l’hebdomadaire Marianne !
A qui la faute de toutes ces célébrations ?
A notre omni président qui prétendait liquider l’héritage de ce fameux mois de mai alors qu’il n’était encore que candidat à la fonction suprême !
C’est vrai qu’en France on aime les célébrations, mais pas seulement en France, alors ne boudons pas notre plaisir !
Après tout, les célébrations sont faites pour ne pas oublier et rappeler aux nouvelles générations que rien ne tombe du ciel et que tout s’obtient par la lutte !
La parole libérée, la contraception, l’augmentation des salaires de près de 30 % , le SMIC, le droit syndical reconnu dans l’entreprise, etc.. tout cela a été obtenu grâce à Mai 68 !
Tout ce qui aujourd’hui semble acquis ne l’a été qu’au prix de durs combats !
J’avoue depuis toujours être un nostalgique de ce mois de mai et cela semble idiot car je n’ai pas du tout connu ni vécu les évènements !
Lorsque les premiers soubresauts de ce vent de liberté avait commencé à souffler le 22 mars, je n’avais que 14 ans et à 14-15 ans à cette époque, on ne pensait qu’à travailler mal ou bien à l’école et à écouter les idoles de la chanson sur nos transistors !
Seul les Beatles, les Stones, Hendrix, Dutronc, Johnny, Sheila…ou Nancy Sinatra nous préoccupaient !
Il n’y avait pas toutes les sources d’information dont disposent les jeunes d’aujourd’hui et il y avait même un Ministre de l’Information, ce qui voulait tout dire !
Aujourd’hui il y a Internet et tous ces journaux gratuits qui ont pour seul effet de décérébrer l’esprit des gens !
Combien de fois ai-je vu les gens digérer ces infos fast food et comprendre autre chose par la suite !
J’ai donc vécu Mai 68 par procuration étant trop jeune à l’époque !
Dix ans plus tard en 1978, j’avais donc la vingtaine et dans mon entreprise j’avais confectionné une immense affiche sur le panneau de mon syndicat CFDT – qui à l’époque était sans doute le vrai héritier de Mai 68 dans le monde du travail avec son ouverture sur le monde – affiche célébrant les 10 ans de ce fameux mois de Mai.
J’avais re- photographié les images du livre d’Alain Delale et Gilles Ragache, la France de 1968 et je posais en photo avec Rouge, l’hebdo de la Ligue.
Je finissais parallèlement une licence d’anglais dans l’université issue de Mai 68 à Vincennes et j’avais l’impression de vivre tous les jours la révolution de 68 dans cette fac !
En fait tout cela relevait d’un romantisme révolutionnaire !
La seule chose qui m’ait fait regretté Mai 68 était non pas de ne pas avoir lancé de pavé !
Maladroit comme je l’étais, mon pavé aurait atterri sur la tête de Cohn Bendit et on m’aurait pris pour un provocateur !
Je regrette surtout de ne pas avoir promené mes Nikon dans cette atmosphère enfiévrée entre les manifs et les occupations d’usine.
Dix ans plus tard en 1978, lorsque j’ai commencé à tâtonner un peu de photographie j’ai traîné dans toutes les manifs, courant après les fantômes de Mai 68.
Je me prenais pour un reporter de l’agence Gamma mais en fait tout ce que je faisais était mauvais.
Je me suis rattrapé par la suite en gagnant en 2007 le premier prix national du reportage organisé par la revue France Photographie et le second prix en 2008 !
On m’a reproché « d’agresser « les gens lorsque je photographie mais jusqu’ici personne n’est mort et je n’ai eu aucun dépôt de plainte !
Si avant de faire une photo, on demande la permission aux gens ils perdent leur naturel et cela devient de la photo de complaisance.
Je n’ai jamais pris de photo de quelqu’un contre son gré !
Mao disait que la révolution n’est pas un dîner de gala, je le paraphraserai en disant que la photo de reportage n’est pas une leçon de maintien par Nadine de Rothschild !
Aujourd’hui nous sommes dans un monde d’images et tout le monde photographie tout le monde avec son portable !
Mai 68 pour moi, c’était les Shadocks à la télé et un film tous les soirs !
Car aucune image des évènements ne filtrait sur les écrans de la télé gaulliste.
La liberté de parole se trouvait sur les ondes des radios périphériques, RTL et Europe 1 en tête !
Et bien sûr avec les photographies glanées par les plus grands noms du reportage !
Gilles Caron, bien sûr avec son fameux cliché de Daniel Cohn Bendit rigolard face à un CRS le jour de sa comparution disciplinaire.
Aujourd’hui pléthore de livres sont sortis sur Mai 68.
Des très bons comme de très mauvais ! Des revues, des numéros spéciaux comme ceux de Télérama, Le Monde 2, L’Humanité, Rock and Folk, L’Histoire, etc.
Parmi les livres, retenons avant tout les livres de photographie.
Mai 68 de Gilles Caron, un coffret culte édité par la FNAC avec 20 tirages du célèbre photographe disparu au Cambodge mais aussi le film mythique de Jean Luc Godard, la Chinoise tourné en 1967 annonciateur de Mai 68 avec un CD de Caroline Cartier, Images sonores, tout cela pour la modique somme de 24, 90 €.
« Sous les pavés « de Marc Riboud, éditions La Dispute.
- Mai 68 édité chez Denoël avec des images inédites
68 dans le monde de Magnum aux éditions Hazan.
Mai 68 d’un photographe, Elie Kagan éditions du Layeur – BDIC.
Toutes les personnes qui ont participé aux manifs dans les années 70-80 se rappelleront toujours la longue silhouette de ce photographe aujourd’hui décédé et qui était toujours perché sur un escabeau et dont le festival Visa pour l’image a rendu hommage il y a quelques années.
- Mai 68, l’histoire en photos de Goksin Sipahioglu, éditions Socli.
La France de 68 – de Serge July et Jean Louis Marzorati éditions Hoebeke.
- Mai 68, la révolte en images de Laurent Chollet.
- Un petit livre sobrement appelé 1968 de Raymond Depardon dont les images ont illustré tous les week-ends les pages du quotidien Libération.
Pour se souvenir que 1968, ce n’était pas seulement le quartier Latin mais la guerre du Vietnam qui était le dénominateur commun de toutes ces révoltes !
Une injustice faite à un peuple de paysans que la première puissance du monde, les Etats-Unis, bombardaient nuit et jour de napalm !
1968, c’était aussi Berlin, Prague, Tokyo, Berkeley mais aussi Mexico où 10 jours avant l’ouverture des Jeux Olympiques, 300 étudiants mexicains étaient massacrés sans que les Robert Ménard de l’époque n’y trouvaient rien à redire !
Aujourd’hui tous les leaders de Mai 68 ont retourné leurs vestes ou presque.
Lors de la manif du 1° Mai 2008, seul Alain Krivine était toujours là quarante après !
Quand aux autres comme Glucksmann, Kouchner etc…la décence nous oblige à ne rien écrire sur eux car ils ont oublié depuis longtemps leurs idées de révolution pour venir nous donner des leçons et investir les cabinets ministériels …de droite !
Il parait que seul les imbéciles ne changent pas mais là ce n’est plus du changement, c’est du reniement pur et simple !
Aujourd’hui que penser de ces célébrations ?
Du bien et du mal !
Fauchon célèbre Mai 68 avec un thé révolutionnaire alors qu’il n’a jamais fêté aucune victoire ouvrière !
Même le quotidien britannique The Guardian propose une visite touristique dans ce Paris de Mai 68 !
Pour eux Mai 68 était à l’évidence circonscrit au quartier Latin et certainement pas dans cette France où 12 millions de personnes étaient en grève !
Trop jeune en Mai 68 je ne comprenais pas ces choses là mais lorsque que j’ai vu ma Maman ouvrière trimer comme une esclave pour nous élever seule avec trois enfants, respirant des produits chimiques toute la journée, produits chimiques qui l’ont tué quelque trente ans plus tard, j’ai compris qu’il y a toujours eu deux mondes.
Ceux qui possèdent et les autres qui n’ont rien !
Quarante après la vie est plus dure pour ceux qui ne possèdent rien !
Un omni-président qui fait des cadeaux aux plus riches, assomme les plus pauvres en les rackettant avec la hausse des prix, la réduction des allocations familiales, la hausse du gaz et de l’essence, impose des franchises médicales, attaque les services publics, allonge le temps de cotisations des retraites, bloque les salaires mais n’a pas oublié lui de s’augmenter au passage de 200 % !
Durant les élections, il se proclamait le président du pouvoir d’achat et en fait c’est le président de son propre pouvoir d’achat !!!!!
On nous serine qu’il n’y a plus d’argent et le Monde du 2 mai 2008 nous apprend qu’à l’occasion d’une réorganisation du capital, les cadres dirigeants du groupe Wendel ses sont partagés 324 millions d’euros en actions dont 79 millions pour l’ancien président du Medef, Seillière, celui là même qui tonnait contre les 35 heures et qui invitait les Français à travailler plus !
Ce gouvernement organise des rafles contre les sans papiers, une population fragilisée qui vit dans la peur et la terreur.
Deux d’entre eux sont morts en moins d’un an.
Une femme chinoise qui a sauté par la fenêtre et un Malien qui s’est noyé dans la Marne.
Alors chacun sait bien que cette histoire de sans papiers n’est qu’une vaste hypocrisie puisqu’elle arrange pas mal de monde surtout les patrons !
S’il ne faut pas tomber dans l’angélisme, il faut tout du moins régulariser ceux qui vivent, payent des impôts et travaillent ici comme par exemple les employés sans papiers du café de la Jatte où avait l’habitude de venir l’actuel locataire de l’Elysée !
Quarante ans après Mai 68, les raisons de se révolter sont donc bien plus nombreuses !
Cet article a pu être illustré avec des photos que possède un de nos amis, à l’époque lycéen à Turgot et Charlemagne et qui quarante ans plus tard n’a pas baissé la garde et est toujours présent dans l’action collective et syndicale. Qu’il soit ici remercié !
Parmi toutes ces célébrations retenons avant tout les images puisque nous sommes un fanzine de l’image, l’expo de Marc Riboud au quartier Latin, une expo de Claude Dityvon au FIAP Jean Monnet
intitulée « Mai 68 en liberté « au 30 rue Cabanis 75014 Paris jusqu’au 31 mai et les affiches de Mai 68 à la galerie Confluences, 190 bd de Charonne75020 Paris.
Cependant notre rédacteur Claude Chansard nous conseille de voir une exposition qui résumerait toutes les expos, c’est celle de
la Galerie COSMOS qui a reconstitué en grande partie l'exposition de l'époque à l'occasion du quarantième anniversaire des évènements.
Dans un même endroit sont exposées les photos des plus grand photo-reporters d'alors : Bruno Barbey, Edouard Boubat, Gilles Caron, Henri Cartier Bresson, Marie Laure de Decker, Claude Dityvon, Robert Doisneau, Jean-Claude Gautrand, William Klein, Guy Le Querrec, Janine Niepce, Bernard Perrine, Marc Riboud, Goksin Sipahioglu, Jacques Windenberger, etc....
COSMOS GALERIE
56 Bd de La Tour Maubourg
Paris 7° (près des Invalides)
Tél. : 01 47 05 42 05
jusqu'au 6 juin
En terminant cet article, nous apprenons même que la police ouvre ses archives photographiques qui sont en vente à la Documentation Française !
Martial Beauville
Vous retrouvez de plus amples infos sur le site
www.mai-68.org
|